Article paru dans Pais Match le 22 décembre 2016
Fort d’une expérience de 40 ans, Philippe Demaret, qui a regardé des centaines de match à travers sa focale, se bat chaque jour avec ses armes pour assurer la pérennité du stick en Belgique.
Le 6 mai 1976, La Libre Belgique diffusait une photo de Jean-Claude Moraux qui jouait à l’époque à Uccle Sport. Le nom du jeune photographe apparaissait en minuscule au bord de l’image en noir et blanc. Il était inconnu du grand public. Quarante ans plus tard, Philippe Demaret mitraille toujours tous les terrains du royaume en quête du cliché ultime. Sa passion de la photo a traversé les révolutions sans prendre la moindre ride. Caché derrière son objectif surdimensionné, l’homme a pris une autre dimension. Non seulement il utilise le choc des photos pour transmettre une émotion, mais, en plus, il a recours au poids des mots pour transmettre un message. Il se veut le garant d’une certaine vision du hockey qui respecte ses origines tout en entrant dans la modernité. Pourtant, il n’est pas né avec un stick dans le berceau. Il a même attendu presqu’un quart de siècle avant d’assister à son premier match. « Une amie m’avait envoyé voir un matche opposant le Léopold à Anderlecht afin de voir un copain, Alain Ramboux », se souvient-il avec une précision horlogère celui qui pouvait se vanter d’être un bon nageur. « Mais, je n’étais pas un grand sportif », tempère-t-il avec humilité. Il qualifiait de « spécial » son premier match. « Je ne comprenais rien. »
Quelques mois plus tard, il se retrouvait enrôlé un peu par hasard dans une équipe de Mineurs 5. « Un joueur m’avait appelé à 17h30. J’ai couru acheter un équipement avant la fermeture des magasins. » Tantôt à la Rasante, tantôt au Parc, tantôt à l’Ombrage, il a hanté les feuilles de match durant un quart de siècle. Son palmarès s’est épaissi d’un titre lors du tournoi de la Baule. Maigre, très maigre…
Son talent, il l’a exprimé sous d’autres formes. A l’armée, il a géré durant 5 ans le calendrier de l’équipe militaire de hockey avec une grande maîtrise. « Ces gars étaient hyper entraînés un peu comme les Reds Lions d’aujourd’hui. Il existait un championnat militaire parallèle. » Après avoir notamment passé 6 ans en mission en Allemagne, il s’est posé dans un bureau comme informaticien avant d’être frappé par la limité d’âge à 51 ans. Ce jeune commandant retraité, qui déteste l’idée même de l’inaction, a déplacé son centre d’activité vers la fédération de hockey (ARBH). Communication manager, il s’est alors lancé dans de nombreuses aventures de presse sans oublier ses premiers pas à La Libre Belgique. « Tout avait démarré en 1975 grâce à Jacques Van Strydonck qui est le grand-père d’Elliot. » La passation de pouvoir s’opérait déjà en 1976. « Au tout début, je recevais ses négatifs que je développais dans ma cave à charbon avant de les déposer au journal. Dans mon petit labo, le matériel était basique » se marre-t-il en se lançant dans une explication sur son zoom 135 fixe avec un 2.8 d’ouverture. « J’ai attendu 5 ans avant que ce hobby ne devienne mon métier. » Quand les photographes amateurs ont grouillé au bord des zones de jeu, il s’est partagé entre l’écriture et la photo. Plusieurs magazines et site internet ont accueilli sa prose. Finalement, il s’est lancé dans le site de référence sur la toile, okey.be. Unique dans le paysage virtuel, la page se veut être l’espace de partage de tous les hockeyeurs. « Je l’ai créée à la fin de ma collaboration à la Fédé. Pour moi, il est fondamental de dire des faits tels qu’ils sont sans chercher à camoufler la vérité qui finira toujours par sortir. »
A 65 ans, il a visionné des centaines de matches à travers son objectif et il a donné la parole à des milliers de quidam qui ressentaient le besoin de passer un message. Avec sa plume critique, il ne dévie jamais de sa trajectoire : servir le hockey. « Je me vois comme un contre-pouvoir. Je veux donner la parole au peuple. » Quand nous lui donnons la parole, il se lance dans une tirade. « Le hockey belge abat un boulot fantastique. Il suffit de regarder les Red Lions. La croissance est exceptionnel, mais tout n’est pas parfait. Il faut absolument que tout croisse en parallèle. Dans certains clubs, les dirigeants accueillent trop de monde. Un terrain, c’est 400 membres et pas plus.En 15 ans, la Fédé n’a pas commis de gros ratés. Certes, il y eut quelques tricheries ou quelques bagarres. Certes, il est toujours possible de faire mieux. Il manque la rigueur de l’armée. » Il tire la sonnette d’alarme quant à l’omniprésence de l’argent. « Certains clubs sont en état de faillite virtuelle. »
Sur sa route, il a croisé des personnalités extraordinaires comme Coco De Saedeleer. « A titre personnel, il m’a marqué. Ce secrétaire général, qui nous a malheureusement quitté trop tôt, avait tout compris avant tout le monde. Il était capable de tenir l’église au milieu du village grâce à une belle vision de son sport. D’autres ont joué des rôles majeurs comme Bert Wentink, Marc Coudron, Erik Gysels ou encore Jean-Pierre Speleers. »
Le sifflet d’or, son 4e enfant
Si dans le registre communal, il est le papa de 3 garçons, Philippe Demaret a donné naissance à un 4e enfant : le Sifflet d’Or. Il y tient comme à la prunelle de ses yeux. « Comme personne ne se souciait de l’arbitrage, j’ai décidé de lancer le Sifflet d’Or, un prix annuel qui récompense les meilleurs arbitres et les meilleurs espoirs du pays. Je suis très fier de voir dans mon palmarès Laurine Delforge qui avait remporté le prix en espoir. Quelques années plus tard, elle s’envolait pour les Jeux Olympiques de Rio où elle a dirigé la finale des dames. Je suis le premier à les critiquer quand ils commettent une erreur. Je suis aussi le premier à les défendre. Il est capital que les arbitres gardent de l’humilité par rapport à leur mission. »
Thibaut Vinel